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Des battues aux renards jugées illégales dans le Pas-de-Calais
Le 10 juillet 2023, la justice a donné raison à l’ASPAS en annulant un arrêté préfectoral qui autorisait des battues aux renards sans limite de nombre, entre le 15 juillet 2020 et le 31 mars 2021.
Trois ans après le scandaleux permis de tuer délivré aux lieutenants de louveterie par la préfecture du Pas-de-Calais, département du patron des chasseurs Willy Schraen, le tribunal administratif de Lille a donné raison à l’ASPAS et les autres associations requérantes*, en annulant a posteriori l’arrêté du 9 juillet 2020.
Dans un département où les renards subissent déjà la chasse à tir, le déterrage et le piégeage, la préfecture a jugé utile d’infliger une sentence supplémentaire à ces petits canidés avec des “destructions” par battue administrative, pendant près de 9 mois, sur l’ensemble du département et sans limite de nombre… À l’époque, notre tentative de faire suspendre en urgence ce texte (pour sauver des renards) avait été rejetée par le juge des référés, pour des raisons bien obscures (pas d’audience !). Il a donc fallu 3 ans, quasiment jour pour jour, pour qu’une justice post-mortem soit enfin rendue à ces pauvres renards.
Pour motiver sa décision datée du 10 juillet 2023, le tribunal retient la faiblesse des preuves fournies quant aux dégâts imputés aux renards sur les élevages avicoles, et estime non fondés les risques sanitaires que présenteraient les renards pour les humains et les cheptels domestiques :
5. Il ne ressort (…) pas des pièces du dossier, notamment des attestations produites par des éleveurs, qui sont peu circonstanciées et qui n’apportent notamment aucun élément sur le montant des dommages, que les renards seraient à l’origine de dégâts dans les élevages avicoles d’une ampleur telle qu’elle rendrait nécessaire la possibilité offerte par l’arrêté attaqué aux lieutenants de louveterie de procéder, pendant près de neuf mois, à des battues administratives sur l’ensemble du territoire du département.
6. S’agissant du motif tiré de l’intérêt des battues autorisées pour la santé publique, les associations requérantes produisent à l’instance une étude scientifique menée par l’Entente de Lutte Interdépartementale contre les Zoonoses (ELIZ) faisant état du fait que l’accroissement de la pression sur la population de renards n’en garantit pas une plus grande maîtrise et tend, au contraire, à augmenter la prévalence du virus de l’échinococcose alvéolaire au sein de cette espèce. En outre, si la décision attaquée mentionne « le rôle des carnivores, notamment du renard dans le transport des sarcosporidies », aucune pièce produite au dossier ne permet d’établir le rôle de l’espèce dans la transmission du parasite aux bovins. Il ressort également des pièces produites par les associations requérantes, notamment d’une étude de l’association régionale de santé et d’identification animale réalisée en Belgique reprise par le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel du Grand Est, que si le renard fait partie des animaux susceptibles d’être porteurs du virus responsable de la néosporose bovine, il n’en est toutefois qu’un porteur secondaire et sa capacité à transmettre ce virus est débattue.
Si elle ne ramènera pas à la vie les renards détruits il y a 3 ans, cette nouvelle victoire sur le fond contre des battues administratives renforce cependant notre jurisprudence accumulée ces dernières années et devrait dissuader la préfecture de réautoriser de tels massacres de manière aussi injustifiée !
* le Groupe ornithologique et naturaliste du Nord – Pas de Calais (GON), le Groupement pour la défense de l’environnement de Montreuil-sur-Mer et du Pas-de-Calais (GDEAM 62) et la Ligue pour la protection des oiseaux du Pas-de-Calais (LPO 62)
Photo d’en-tête © Fabrice Cahez