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Victoire pour les sangliers et les refuges ASPAS

Le 23 février 2023, la justice a annulé un arrêté préfectoral des Côtes d’Armor qui avait autorisé en 2020 l’abattage de sangliers sur un refuge ASPAS interdit à la chasse.     

Sous la pression d’agriculteurs et du syndicat FDSEA, la préfecture avait autorisé l’abattage d’un nombre illimité de sangliers sur une propriété appartenant à la Fondation Alain de Rosanbo, pourtant interdite à la chasse (refuge ASPAS). Jusqu’à 20 opérations de « destruction » étaient possibles entre le 4 août et le 1er octobre 2020, sur les communes de Lanvellec, Plufur et Plouaret, au moyen de tirs à l’approche, à l’affût, ou avec une cage-piège.    

Saisi par l’ASPAS et la Fondation de Rosanbo, le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté dans une décision datée du 23 février 2023, au motif que la préfecture n’avait pas organisé de consultation publique et n’avait pas su justifier le caractère urgent et nécessaire de la situation, rendant impossible cette consultation.

De 50 sangliers à « plusieurs centaines »…  

Selon les agriculteurs, l’absence de régulation des suidés sur ces terrains libérés des fusils expliquait l’augmentation des populations et par conséquent l’augmentation des dégâts agricoles qui leur étaient imputés : « plusieurs centaines de sangliers en liberté et protégés vivent et se reproduisent, détruisant nos cultures par hectares entiers ! » avait déclaré au Télégramme Jean-Marc Lohier, président de la filière lait de la FDSEA lors de « l’action spectaculaire » organisée le 17 juin 2020 où une centaine d’agriculteurs s’étaient rassemblés pour bloquer une route départementale…   

Problème : les « plusieurs centaines » de sangliers relevaient plutôt du fantasme que de la réalité, les services de l’État eux-mêmes avançant une fourchette estimative très imprécise de 50 à… 120 individus présents sur le refuge ASPAS, sans qu’aucune information sur la méthodologie de comptage ne nous ait été communiquée… La demande du régisseur du domaine de Rosanbo de participer au comptage est par ailleurs restée lettre morte.

Des patates déversées sur le refuge…  

Par ailleurs, parmi les 9 plaintes envoyées à la préfecture par des agriculteurs, seules 3 ont été « vérifiées » par la Fédération de chasse pour un cumul de dégâts qui ne représente même pas 5 hectares sur les quelque 500 hectares de terres cultivées sur les trois communes, soit à peine 1% !   

Les autorités sont enfin restées silencieuses sur le dépôt avéré, par des agriculteurs, d’un tas de patates sur le refuge ASPAS… Se plaindre de surpopulation de sangliers alors qu’ils y contribuent directement en laissant de la nourriture à leur disposition, avouez que c’est un peu fort de café ! Quelle était l’intention véritable derrière cet acte ? Mettre fin au refuge et récupérer le droit de chasse sur ces terres ?    

Rappelons que l’opposition morale à la chasse est un droit inscrit dans le Code de l’environnement depuis la modification de la loi Verdeille obtenue par l’ASPAS et d’autres associations, et que des propriétaires ont donc légalement la possibilité de retirer leurs terrains des espaces chassables. Car oui : sans cette démarche, souvent fastidieuse*, tout terrain est considéré par défaut comme chassable !    

Aucune preuve contre les sangliers…  

Selon le code de l’environnement, un propriétaire qui a ainsi interdit la chasse est tenu « de procéder ou de faire procéder à la destruction des animaux nuisibles et à la régulation des espèces présentes » sur sa propriété dans le cas où ils causeraient des dégâts aux propriétés voisines. Mais dans les faits, il est très compliqué de prouver que tel animal est responsable de tel dégât, à moins d’équiper tout le monde d’un collier GPS….   

Dans le cas présent, rien ne permet de prouver que les sangliers, capables de se déplacer de plusieurs kilomètres par jour, étaient cantonnés sur la propriété de la Fondation de Rosanbo et rien ne permet d’établir non plus la responsabilité du propriétaire à partir du moment où ces animaux ne lui appartiennent pas et sont libres de circuler comme ils le souhaitent.    

Quand les chasseurs saisissent la justice… en vain !    

Non contents de voir des territoires leur échapper, et parce qu’ils se sont engagés à rembourser les dégâts de grands gibiers, les chasseurs avancent souvent l’argument des surpopulations d’animaux que favoriseraient les espaces naturels interdits aux fusils, comme les refuges ou les Réserves de Vie Sauvage® de l’ASPAS…   

Pointer du doigt les autres c’est aussi, bien sûr, une façon de tenter de faire oublier leur part de responsabilité dans l’explosion démographique des sangliers (tirs sélectifs, agrainage, …).     

Certaines fédérations sont même allées jusqu’à saisir la justice ! C’est ce qui est arrivé en 2019 à l’encontre du cinéaste Luc Besson, propriétaire de 160 hectares dans l’Orne : les chasseurs ont tenté (en vain) de lui faire porter la responsabilité des dégâts qu’auraient générés les cerfs non chassés sur sa propriété sur les forêts du voisinage.    

Quant aux 13 000 hectares placés en refuges ASPAS, aucune procédure n’a pour l’instant jamais abouti.   

Télécharger le jugement (PDF)

* L’ASPAS accompagne les propriétaires qui souhaitent retirer leurs terrains de la chasse, pour créer un refuge ASPAS. Pour en savoir plus, cliquez ici.

© Photo d’en-tête : Fabrice Cahez