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Nouvelle victoire pour les blaireaux d’Ille et Vilaine !
Saisi par l’ASPAS, AVES et One Voice, le tribunal administratif de Rennes suspend l’arrêté préfectoral du 24 mai 2024 qui autorisait l’ouverture d’une période complémentaire de déterrage des blaireaux à partir du 1er juin dans le département d’Ille-et-Vilaine. De nombreux blaireaux vont pouvoir passer un été tranquille !
Dans une décision particulièrement détaillée, le tribunal a reconnu l’urgence de la situation. L’arrêté préfectoral autorisant la période complémentaire de déterrage des blaireaux aurait des effets immédiats et irréversibles sur la population des blaireaux, notamment en mettant en danger les jeunes blaireaux (blaireautins) qui ne sont pas encore autonomes.
Le juge a identifié plusieurs points de doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté préfectoral :
- Méconnaissance de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement :
Cet article stipule que les méthodes de chasse doivent être sélectives et ne pas porter atteinte aux jeunes animaux. Le tribunal a estimé que la vénerie sous terre, telle qu’autorisée par l’arrêté, ne respectait pas cette exigence, car elle ne permet pas de distinguer les jeunes blaireaux des adultes. De plus, le juge retient la vulnérabilité des blaireautins qui ne sont pleinement émancipés de leur mère et autonomes sur le plan alimentaire qu’à la fin de leur premier automne, et que, quand bien même la vénerie permette une chasse sélective (ce que le juge ne considère pas comme établi ou allégué), les blaireautins ne pourraient pas survivre en l’absence de leurs parents ou suite à la destruction de leur terrier.
- Erreur de fait et d’appréciation :
Le tribunal a jugé que l’arrêté préfectoral ne fournissait pas de justification fiable concernant l’état de conservation de l’espèce des blaireaux. Les données présentées par le préfet et la Fédération des Chasseurs n’étaient pas suffisamment étayées pour démontrer que la population de blaireaux était stable et que les dommages causés par les blaireaux justifiaient une période complémentaire de chasse. De plus, les cartes et données de recensement montrent une tendance au déclin de l’espèce dans le département.
- En conclusion :
En raison de l’urgence et des doutes sérieux sur la légalité de l’arrêté, le tribunal a décidé de suspendre l’exécution de l’arrêté préfectoral jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité. Cela signifie que la période complémentaire de déterrage des blaireaux est suspendue temporairement, en attendant une décision définitive sur la légalité de l’arrêté.
Extrait du jugement :
15. (…) Il ressort à cet égard des pièces du dossier que depuis 2015, environ 200 et 360 blaireaux sont prélevés chaque année durant la période de chasse complémentaire, ce qui représente de façon constante 90 % des individus de cette espèce tués chaque année dans le département, dont, de manière relativement stable également, 25 % de blaireautins. Eu égard à son objet et compte tenu de la lenteur de la dynamique de croissance de cette espèce, l’arrêté en litige emporte ainsi des effets irréversibles, qui portent une atteinte grave et immédiate aux intérêts que les associations requérantes se sont donné pour mission de défendre, à savoir la protection et la défense des différentes espèces animales et la protection des espèces non domestiques sauvages.
16. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que les blaireaux seraient, dans le département d’Ille-et-Vilaine, à l’origine de dommages importants causés aux cultures et aux infrastructures routières et ferroviaires (…). À cet égard, l’imputabilité aux blaireaux de dégâts significatifs aux exploitations agricoles n’est pas documentée ni même véritablement alléguée (…)
17. […] il ne résulte d’aucune des données chiffrées produites par les parties que cette espèce serait dans un état de conservation et présenterait une dynamique de reproduction ainsi que des effectifs et une densité actuelle tels, dans ce département, que serait caractérisé, localement, un déséquilibre agro-sylvo-cynégétique et que s’imposeraient des mesures de régulation destinées à le rétablir et le préserver, les cartes reproduites dans la note de présentation révélant plutôt un relatif déclin de l’espèce dans le département. [Concernant] la tuberculose bovine, il n’est pas établi que des cas auraient été détectés dans le département, outre que cette méthode de chasse serait très fortement déconseillée si tel avait été le cas, compte tenu du risque avéré de contamination des équipages de chiens. Aucun des éléments avancés en défense n’apparaît ainsi de nature à caractériser un intérêt public faisant obstacle à la suspension de l’exécution de l’arrêté en litige.
20. Il ressort des pièces du dossier (…) que les mises bas interviennent entre janvier et mars, avec un pic des naissances en février, que le sevrage intervient généralement dans les quatre premiers mois de vie mais que les jeunes individus n’atteignent leur taille adulte et sont pleinement émancipés de leur mère, en étant notamment autonomes sur le plan alimentaire, qu’à la fin de leur premier automne. Il est par ailleurs constant que le sevrage ne correspond qu’à un changement dans le mode d’alimentation, sans marquer l’émancipation des jeunes individus et leur passage à l’âge adulte et ni le préfet d’Ille-et-Vilaine, ni la fédération intervenante, ne produisent de donnée scientifiquement corroborée permettant d’établir l’assimilation du sevrage à l’émancipation et l’autonomie, notamment alimentaire, des blaireautins. Il s’ensuit que ceux-ci, qui ne sont pas autonomes lors de la période de chasse complémentaire autorisée par l’arrêté en litige, doivent ainsi encore être qualifiés de petits de mammifères au sens et pour l’application de l’article L. 424-10 du code de l’environnement.
21. (…) il n’est pas établi, ni même sérieusement allégué, que ces derniers pourraient survivre en l’absence d’adultes, notamment leurs parents, et après la destruction de leur terrier. (…) il n’est pas sérieusement contesté que la méthode de chasse utilisée est susceptible d’entraîner la mise à mort des mères de petits blaireaux, voire la blessure accidentelle d’un blaireautin par les chiens et le préfet d’Ille-et-Vilaine n’a assorti son arrêté d’aucune prescription particulière de nature à éviter la destruction des petits blaireaux et de leur mère.
24. (…) l’autorisation de l’exercice de la vénerie sous terre, pendant la période complémentaire instituée par l’arrêté en litige du 1er juin au 14 septembre 2024, apparaît susceptible de causer la mort de jeunes individus, directement ou indirectement, nécessaires au renouvellement de l’espèce ainsi que de nature à favoriser la méconnaissance, par les chasseurs, de l’interdiction légale de détruire les petits blaireaux.
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Photo d’en-tête © Joël Brunet