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Victoire contre des battues de renards dans le Tarn !
Grâce à un recours déposé par l’ASPAS et AVES, porté par le cabinet GéoAvocats, la justice a suspendu un arrêté préfectoral du Tarn qui autorisait une destruction illimitée de renards du 23 mars au 16 juin 2024.
Déjà victimes de la chasse à tir, du piégeage et du déterrage, les renards du Tarn étaient exposés depuis le 23 mars 2024 à une autre menace : les destructions administratives, autorisées par la préfecture pour protéger les élevages avicoles… Les battues étaient autorisées pour une durée de près de 3 mois, sur un nombre illimité de renards et sur la quasi-totalité du département du Tarn.
L’ASPAS, qui compte de très nombreuses victoires à son actif contre ce type d’arrêté (dont une précédente dans le Tarn, en avril 2022), n’a pas hésité à saisir la justice pour tenter de faire cesser ce massacre injustifié, nombreux arguments à l’appui établis avec le concours du cabinet GéoAvocats.
L’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de Toulouse, le 10 mai 2024, nous donne raison : l’arrêté préfectoral du 20 mars 2024 est en tout point suspendu !
Le juge relève notamment qu’il n’existe pas de dénombrement précis des populations de renards dans le Tarn et que rien ne prouve que l’espèce serait sur une forte dynamique de croissance. Par ailleurs, les dégâts dont on l’accuse sur les élevages avicoles ne représentent que 0,5% du chiffre d’affaires de la filière et aucune information n’est donnée sur la mise en place ou non de mesures de protection des élevages… Une incohérence est aussi relevée dans le zonage, puisque la commune de Murat-sur-Vèbre, à l’est du département, a été exclue du champ de l’arrêté alors que cette commune concentre la part la plus importante de dégâts imputés aux renards !
Extrait du jugement :
L’arrêté en litige est motivé par le fait que les prélèvements de renards lors de régulations administratives dans le département du Tarn ont augmenté pendant plus d’une douzaine d’années, qu’ils ont été réduits de moitié en 2020 en raison des consignes liées à l’épidémie de covid-19, qu’ils ont à nouveau été réduits de moitié en 2022 pour n’atteindre que 265 renards, qu’ils sont remontés en 2023 pour atteindre 350 renards, que les prélèvements de renards par la pression de la chasse n’ont jamais été suffisants pour maintenir l’équilibre agro-cynégétique car la chasse est fermée au moment de la survenance du pic des dommages à la volaille au printemps et au début de l’été, que les renards causent systématiquement tous les ans des dégâts aux élevages de volailles de particuliers ou d’agriculteurs et aux élevages professionnels, que ces dégâts sont signalés par les divers plaignants au fur et à mesure des pertes et nuisances subies, que les saisons de reproduction précoces découlant d’une météorologie douce entraînent systématiquement dès le début du printemps une recrudescence des dégâts chez les éleveurs de volailles en plein air ainsi que dans les poulaillers et basses-cours des agriculteurs et que le montant des dommages déclarés concernant le renard pour 2023 atteint 74 863 euros. Toutefois, il est indiqué dans ce même arrêté qu’il n’existe pas de dénombrement des populations de renards. Si l’arrêté mentionne que « malgré les prélèvements de renards effectués pendant la période de chasse, la population vulpine demeure sur une forte dynamique et les dégâts dans les poulaillers restent conséquents », que les « montants de dégâts déclarés » s’élèveraient à 46 000 euros pour l’année 2017, 57 000 euros pour l’année 2018, 63 000 euros pour l’année 2019, 37 400 euros pour l’année 2020, 46 050 euros pour l’année 2021, 102 020 euros pour l’année 2022 et 74 863 euros pour l’année 2023, le préfet se borne à produire une liste élaborée par la fédération des chasseurs du Tarn recensant les plaintes de professionnels et particuliers formulées en 2023 laquelle ne saurait suffire à établir que la population vulpine serait sur une forte dynamique de croissance. En effet, la seule circonstance que le montant des dégâts causés par les renards sur les élevages avicoles en 2023 serait prétendument conséquent n’est pas de nature à démontrer une croissance de la population vulpine dès lors que cette situation pourrait résulter de divers facteurs liés notamment à la taille des élevages, à la mise en place ou non de mesures de protection par les éleveurs. En outre, il ne résulte pas davantage de l’instruction que la baisse de la pression de la chasse sur la population des renards ayant résulté de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 15 avril 2022 prononçant la suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral du 15 mars 2022 autorisant les battues administratives sur les renards aurait entraîné un accroissement de la population de renards et, par voie de conséquence, une augmentation des dégâts sur la volaille et les palmipèdes. A cet égard, si l’arrêté attaqué indique que 175 demandes d’intervention pour la régulation des renards ont été formulées en 2023, ce nombre est inférieur à la moyenne de 232 demandes d’intervention constatée chaque année depuis dix ans alors pourtant qu’aucune battue administrative n’a été menée dans le département du Tarn en 2022. A supposer que le montant des dégâts dans les poulaillers en 2023 soit avéré, soit 74 863 euros, il ressort des pièces du dossier qu’un tel montant ne représente que 0,5% du chiffre d’affaires total de la filière d’élevage avicole dans le Tarn, soit une part très minime. En outre, si l’arrêté attaqué indique que la mesure de régulation de la population vulpine par battues administratives a pour but de diminuer les dégâts causés aux élevages de volailles et de palmipèdes, il ressort de la carte des dommages causés par le renard roux sur la saison 2022/2023 annexée à l’arrêté attaqué et sur laquelle il s’appuie que la zone à l’extrémité Est du département, correspondant à la commune de Murat-sur-Vèbre, a été exclue du champ de l’arrêté alors pourtant que cette commune concentre la part la plus importante de dégâts causés par cette espèce, comprise entre 4 780 et 8 726 euros sur un total de 74 863 euros. La circonstance alléguée par le préfet dans ses écritures et à l’audience selon laquelle cette zone à l’Est du département comporterait peu d’élevages agricoles ne permet pas de justifier que la commune de Murat-sur-Vèbre en particulier soit exclue du champ de la mesure litigieuse eu égard à l’objectif poursuivi de prévention des dommages importants causés aux élevages tel que prévu par les dispositions précitées de l’article L. 427-6 du code de l’environnement. Il ne résulte donc pas de l’instruction que les renards seraient à l’origine de dégâts dans ces élevages d’une ampleur telle qu’elle rendrait nécessaire l’intervention des lieutenants de louveterie afin de procéder, pendant près de trois mois, à des battues administratives sur une grande partie du département. Par ailleurs, si le préfet fait valoir que la période litigieuse correspond à un pic de reproduction et de naissances chez les renards, il n’apporte aucun élément permettant de corroborer ses allégations. En tout état de cause, l’atteinte éventuelle portée au cycle de reproduction des renards par la tenue de battues administratives durant cette période apparaît disproportionnée et dépourvue de nécessité par rapport à la faible ampleur des dommages causés à la population avicole. Enfin, il résulte de l’instruction, et notamment de l’arrêté en date du 21 juin 2023 du préfet du Tarn, que la période d’ouverture générale de la chasse à tir par arme à feu ou par arc de chasse a été fixée, pour le département, du 10 septembre 2023 au 29 février 2024 au soir, soit 20 jours avant la date d’autorisation des battues administratives fixée par l’arrêté litigieux, et que cette autorisation concernait, notamment, la chasse des renards. Or, il n’est ni établi, ni même allégué que la période générale de chasse des renards aurait été inefficace sur la régulation de cette espèce dans le département, ni que la population des renards et les dégâts causés aux élevages avicoles se seraient accrus sur cette période de 20 jours entre la fin de la période générale de chasse et la mise en œuvre des battues administratives en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise au regard des dispositions de l’article L. 427-6 du code de l’environnement quant à la nécessité d’autoriser des battues administratives de renards est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté du préfet du Tarn du 20 mars 2024. Il y a donc lieu d’ordonner la suspension de son exécution jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ».
Même si la décision intervient 2 mois après le début des opérations de destruction, elle n’en demeure pas moins une excellente nouvelle pour les renards survivants alors que les couples sont en pleine période d’élevage des jeunes de l’année.
Souhaitons longue vie aux renards, et ne lâchons rien contre les lobbies de la chasse et de l’agriculture !
Photo d’en-tête © Alexandre Mondolini