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20 bouquetins sauvés d’un abattage indiscriminé, et plus encore !  

Grâce à un recours porté par plusieurs associations dont l’ASPAS, la justice vole de nouveau au secours des bouquetins présents dans le massif du Bargy où le préfet avait autorisé sans test préalable des tirs létaux sur des bouquetins soupçonnés de véhiculer la brucellose, une maladie transmissible aux vaches. 

Commencé dès 2013 par l’ASPAS et d’autres protecteurs de la nature, le combat continue en Haute-Savoie pour épargner un maximum de bouquetins sauvages d’un abattage indiscriminé sur le massif du Bargy.  

En effet, plutôt que de miser sur les captures et les tests sanitaires préconisés par le monde scientifique, pour que soient euthanasiés uniquement les individus malades, la préfecture de Haute-Savoie a trop souvent cédé à la pression du lobby du reblochon, autorisant des tirs à l’aveugle contre des animaux très majoritairement sains. Animaux qui, rappelons-le, figurent sur la liste des espèces protégées en France…  

Heureusement, grâce à la mobilisation citoyenne et l’action en justice de nos associations, de nombreux individus ont pu être sauvés au fil des années. Cette année encore, suite à un recours déposé en urgence par l’ASPAS, Animal Cross, AVES, FNE Aura, FNE Haute-Savoie, la LPO et One Voice, 20 bouquetins libres et sauvages ne seront pas abattus en 2023 comme le prévoyait l’arrêté préfectoral du 17 mars 2022.

L’article 4 de ce texte, qui permettait des “abattages complémentaires” à l’encontre d’individus “n’ayant pas pu être marqués et testés”, vient en effet d’être suspendu par le tribunal administratif de Grenoble, ce 15 juin 2023.   

Cet arrêté prévoyait un abattage de 20 bouquetins par an jusqu’en 2030, ce qui allait conduire à l’abattage de nombreux animaux sains au regard du faible taux d’animaux contaminés à ce jour (environ 4% de la population) 

Le juge des référés a favorablement entendu nos arguments, en estimant que la préfecture, qui a préféré faire fi des recommandations des experts du CNPN et de l’ANSES, n’a pas retenu “la solution a plus satisfaisante pour atteindre les objectifs qu’il poursuit tout en préservant cette espèce protégée”.  

« 9. D’une part, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie par la préfecture en 2021 d’une demande tendant à évaluer les effets de 6 hypothèses de gestion de l’enzootie, allant de l’absence d’intervention à l’abattage total. Dans son avis du 27 février 2023, l’Anses rappelle la brièveté du délai imparti pour son expertise et « l’absence de modèle disponible actuellement » faute de mise à jour après l’importante opération réalisée en 2022 de sorte que les projections réalisées en novembre 2021 ne sont plus pertinentes et que l’on ne sait quelle hypothèse est la plus favorable à l’extinction de la brucellose. En outre, l’Anses retient que le taux de séroprévalence « est désormais très faible » et propose deux objectifs : la surveillance de la population en testant un nombre d’individus suffisant évalué à un minimum de 58 et la lutte en réduisant le nombre d’individus atteints « afin de maximiser la probabilité d’extinction naturelle de l’infection ». Si l’objectif de 58 captures d’individus non marqués ne pouvait être atteint, elle recommande subsidiairement de procéder à des tirs sur des individus non marqués n’ayant pu être être capturés. Malgré cet avis, le préfet a limité à un maximum de 50 le nombre de bouquetins capturés, objectif qui avait été atteint le 31 mai 2023 et dont rien ne permet de penser qu’il n’aurait pu être dépassé dès lors que 132 captures ont été réalisées en 2022. Enfin, les mesures d’abattage indiscriminé sans dépistage préalable ont abouti en 2022 au prélèvement de 61 individus dont 9 étaient trop jeunes pour faire l’objet d’analyses sérologiques et seuls 3 parmi les 52 autres étaient infectés.

10. D’autre part, les mesures de gestion devraient, selon les instances consultées, être complétées par des mesures de biosécurité. Dans son avis défavorable du 16 juin 2022, le conseil national de protection de la nature (CNPN) retient que les mesures mises en œuvre dans l’arrêté du 13 mai 2022 relatif à la surveillance à mener dans les élevages de ruminants restent réduites « à la portion congrue » et demande que « des mesures élémentaires de gestion dans l’espace et dans le temps de la ségrégation domestique/sauvage soient mises en place dans une perspective temporaire afin d’accompagner la fin de l’action de maîtrise sanitaire sur ce foyer de brucellose ». Dans son avis de 2017 auquel elle continue à se référer par la suite, l’Anses indique que ces recommandations ne concernent que 6 alpages sur 42 et aucune tentative de mise en œuvre ou évaluation de ces mesures de biosécurités ne permet de douter de leur faisabilité ou de leur efficience.

11. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le 2ème alinéa de l’article 4 de l’arrêté litigieux ne retient pas la solution la plus satisfaisante pour atteindre les objectifs qu’il poursuit tout en préservant cette espèce protégée, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Par suite, il y a lieu d’ordonner la suspension de son exécution. »

Télécharger l’ordonnance (PDF)

Nous espérons que cette nouvelle victoire permettra d’accélérer une issue moins sanguinaire au triste feuilleton des bouquetins du Bargy. Rappelons que 61 animaux ont été abattus à l’aveugle, les 17 et 18 octobre 2022, lors d’une scandaleuse opération surprise encadrée par la gendarmerie et sans que nos associations puissent réagir à temps. Un massacre de masse survenu quelques jours avant le déplacement dans la région du ministre de l’Agriculture Marc Fesneau…  

© Photo d’en-tête : Richard Holding